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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/218

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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

troupeau des âmes naturellement royales. Les saints, les héros, les gens de génie, tout ce qui domine dans l’humanité, souffre terriblement et, parce que la Parole de Dieu doit toujours avoir sa vertu, même lorsqu’elle tombe sur des fronts maudits, on a vu jusqu’aux ennemis de Jésus-Christ, lorsqu’ils avaient de la grandeur humaine, triompher partout, excepté dans leur patrie, conformément à ce qui est écrit.

Christophe Colomb, cet « homme de Dieu antique », selon le mot de saint Augustin parlant de saint Irénée[1] ; ce Messager de la plus immense Nouvelle que le monde ait entendue depuis la descente des langues de feu sur les Douze premiers Évêques de la chrétienté ; ce Navigateur quasi épiscopal lui-même, choisi de Dieu pour évangéliser, à lui seul, un monde aussi vaste que celui dont les compagnons du Rédempteur s’étaient parlagé la conquête ; cette blanche et gémissante Colombe portant le Christ pouvait-elle échapper à la loi mystérieuse qui condamne tous les atnés de ce monde à être cruciflés dans leur patrie* Assurément non. La contradiction humaine, ce caractère distinctif, essentiel, de tout ce qui est divin, cette probation terrible des serviteurs de Dieu, dont il est si fortement parlé dans l’Écriture, s’éleva tout de suite, comme les eaux des Océans, contre celui-là, dans la patrie qu’il avait adoptée et qui devint par lui la dominatrice des nations. J’ai dit précédemment ce que fut cette tempête de l’ingratitude de tout un peuple. Et cependant cet effroyable péché avait alors son excuse, son affreuse excuse, dans l’intérêt bestial d’une cupi-

  1. « 1. Antiquum hominem Dei. » — S. August. Contra Julianum.