Aller au contenu

Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II

De toutes les choses que le temps extermine ou déshonore, il n’en est pas de plus fragile, de plus effaçable que l’étonnement. À la distance de quatre siècles, quelle imagination de poète serait capable de concevoir l’indicible stupéfaction du vieux monde chrétien, non encore contaminé par le groin de la Réforme, à la nouvelle de la découverte d’un monde inconnu dont le Christ et ses Apôtres n’avaient pas parlé ? Cette société de quinze siècles, bâtie comme la Babylone imprenabie du Très-Haut, gardée par la double muraille sacrée de la Théologie et de la Tradition et ceinte de ce fossé mystique où bouillonnait le sang de plusieurs millions de martyrs, dut être surprise d’une si véhémente manière qu’il scrait puéril de chercher dans l’histoire un autre exemple de ce prodigieux déconcertement.

Les intelligences superbes d’alors durent craindre que l’Église elle-même ne s’en allât en ruines avec son triple diadème et ses promesses d’indéfectibilité. La Mission démontrée de Christophe Colomb humiliait en plusieurs points essentiels le despotisme scolastique