Aller au contenu

Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Dieu, comment cet Ambassadeur plénipotentiaire de la Sainte Trinité, méconnu partout et vomi par l’Espagne qu’il avait gorgée de richesses et de puissance ; en butte à de misérables persécutions écclésiastiques, ne rencontra de sympathies et de réconfort qu’à la Cour pontificale et sur le Siège infaillible de Pierre. Dans la célèbre édition de la Géographie de Ptolémée faite à Rome chez Evangelista Tosino, en 1608, le nouveau continent était nommé : Terra sanctæ crucis, comme si ce monde découvert avait été le fruit le plus suave de l’Arbre sanglant de la Rédemption pour avoir mis à mûrir quinze siècles de plus que les autres. Ce fait n’est pas moins concluant pour une intelligence profonde que pour un cœur mystique.

Christophe Colomb fut un homme de désir à la manière de Daniel. Or, le désir appelle le désir, comme l’abîme invoque l’abîme « par la voix des cataractes de Dieu » qui sont les torrents de larmes de la prière et de l’amour. Un an avant la Découverte, naquit celui qui devait en faire le mieux profiter l’Église : saint Ignace de Loyola et, dans le mois où l’Ambassadeur de Dieu est rappelé par son maître, dix-sept jours avant sa mort, vient au monde l’apôtre chargé d’exécuter son vœu d’évangéliser les nations idolâtres : saint François-Xavier[1]. Ces coïncidences n’ont rien de fortuit. Elles sont, au contraire, infiniment calculées et infiniment sages, c’est-à-dire, providentielles, comme toutes choses en ce monde. Quand un homme est suscité pour l’accomplissement d’une partie de ce grandiose plan divin qui s’appelle l’Histoire, il lui suffit d’étendre les

  1. L’Ambassadeur de Dieu et le Pape Pie IX, par le Comte Roselly de Lorgues, p. 156. — Plon, 1874.