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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/93

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HISTORIQUE DE LA CAUSE

Moins grand écrivain que Chateaubriand, si ce n’est par éclairs, moins aigu et moins transperçant que de Maistre, le Comte Roselly de Lorgues s’est montré infiniment supérieur par la doctrine au premier de ces deux aigles, et il étreint, il enveloppe mieux que le second la vérité dont il s’empare ou l’erreur qu’il veut étouffer.

Le plus connu de ses ouvrages philosophiques, le Christ devant le Siècle, a été traduit dans toutes les langues. Les deux autres, de date postérieure, la Mort avant l’Homme[1] et la Croix dans les Deux Mondes, ont eu, en France, moins de retentissement, le premier surtout, je ne sais pour quelle raison. La Croix dans les Deux Mondes a ceci de particulier qu’elle fut le point de départ de la grande évolution par laquelle son auteur est devenu l’historien de Christophe Colomb. Le rôle providentiel de l’Ambassadeur de Dieu lui apparut spontanément et l’élan d’intuition qui le lui fit apercevoir fut si complètement illuminateur que l’étude stricte et laborieuse qui vint ensuite n’ajouta presque rien à cette prime-sautière aperception.

L’effet, d’ailleurs, en fut tellement contagieux que c’est à la Croix dans les Deux Mondes que la ville de Gênes — honteusement ingrate pour le plus illustre de ses fils, comme je le montrerai plus loin — doit son monument à Christophe Colomb ; monument élevé par l’ordre du roi Charles-Albert étonné de l’insouciance des Génois, après la lecture de ce livre.

  1. De tous les livres apologétiques du Comte Roselly de Lorgues, la Mort avant l’Homme est certainement celui qui justifie le plus l’enthousiasme de ses admirateurs et qui explique le mieux son influence sur certains esprits élevés de son temps.