Page:Bloy - Le Salut par les juifs, 1906.djvu/73

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sortis, en même temps que les intestins, du ventre crevé de ce brocanteur de Dieu.

C’était un filou vulgaire, — un Klephte, selon le grec, — dit le doux évangéliste saint Jean, et c’était lui qui « tenait la bourse ». Il la tient encore, plus que jamais, et c’est cela, — exclusivement, — qui nous procure le spectacle généreux des indignations journalières de l’acéphale contempteur de Sem.

Le Moyen-Âge, qui avait à peine la notion du porte-monnaie et dont le cœur chavirait d’amour, n’alla jamais au delà des trente pièces d’argent qui lui paraissaient peut-être une somme fabuleuse et qu’il eût préférée sans doute moins considérable, pour que l’opprobre de son Dieu fût encore plus cousin germain de l’humiliation des souffre-douleur qui demandaient l’aumône en son Nom.

Les chrétiens d’alors comprenaient fort bien qu’il n’y a dans le drame tumultuaire du Vendredi Saint que deux personnages : les Juifs et le Pauvre, et ils partageaient équitablement leurs simples âmes entre l’adoration douloureuse et l’horreur sans bornes, abandonnant tout le reste aux docteurs subtils qui parlaient latin.