Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/139

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Tout chrétien partant pour les colonies emporte nécessairement avec lui l’empreinte chrétienne. Qu’il le veuille ou non, qu’il le sache ou qu’il l’ignore, il a sur lui le Christ Rédempteur, le Christ qui saigne pour les misérables, le Christ Jésus qui meurt, qui descend aux enfers, qui ressuscite et qui juge vivants et morts. Il est, ce chrétien, lui aussi, et quoi qu’il fasse, un Christophore, comme Colomb, mais un Christophore à tête de Méduse, un Christophore d’horreur, de hurlements, de bras tordus, et son Christ a été, à moitié chemin, annexé par les démons.

Le bon jeune homme élevé par les bons Pères, et rempli de saintes intentions, embrasse pieusement sa mère et ses jeunes sœurs, avant d’aller aux contrées lointaines, où il lui sera permis de souiller et de torturer les plus pauvres images de Dieu…

C’est ainsi que se continue l’œuvre de la douce Colombe du xve siècle, et c’est comme cela que le Sauveur du monde est porté aux colonies.