Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/175

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Aventure. « Hé ! malheureux, où vas-tu ? » lui crient les gens du bourg qu’il traverse en montant au donjon. Il ne les écoute pas, il écarte le portier qui veut l’arrêter et il entre dans une vaste salle donnant sur un préau formé par une palissade aux pieux aigus. Traduisons le vieux langage de Chrestien de Troyes :

« À travers les pieux, il vit là jusqu’à trois cents pucelles occupées à divers ouvrages de soie et d’or. Toutes faisaient mieux qu’elles savaient. Mais telle fut leur pauvreté que beaucoup d’entre elles, les pauvres, avaient leurs robes dénouées et déceintes et que leurs corsages étaient troués aux mamelles et aux coudes, et qu’elles portaient sur le dos des chemises sales. De faim et de mésaise leurs cous étaient grêles, leurs visages pâles. Yvain les voit et elles le voient. Toutes baissent la tête et pleurent et elles restent là un grand moment sans savoir que devenir. Elles ne peuvent lever les yeux de terre, tant elles sont écœurées. »

Yvain revient sur ses pas et interroge le portier du château :

« — Par l’âme de ton père, dis-moi quelles