Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/194

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commerciale des chrétiens ne peut attirer que des giboulées de crachats et de déjections.

Quelqu’un pense-t-il aux heures de loisir d’un commerçant ? Horreur de la pauvre âme ! Pas une lecture, pas une pensée généreuse, pas un souvenir consolant, nulle autre espérance que de continuer demain les turpitudes antérieures. L’argent gagné, volé, la danse des chiffres et le trou de la tombe. Les très-pauvres gens qu’il dépouille ont des délices qu’il ne connaît pas. Même ceux qui ont perdu tout, excepté leurs larmes, peuvent être consolés par un livre, par une parole de bonté, par la caresse d’une bête misérable, par la vue d’un humble jouet d’enfant mort, d’un objet quelconque de nul prix pouvant évoquer un souvenir de douleur ou un souvenir de joie, par n’importe quoi ne coûtant rien, ne valant rien, ne pouvant tenter personne et gardé religieusement comme un trésor, jusqu’à la fin. C’est pour ceux-là, sans doute, que Jésus a pleuré sur le tombeau de Lazare. « Je te bénis, ô Père, Seigneur du ciel et de la