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Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/205

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divin que les Juifs portent par toute la terre, en essayant de le lire à travers le sombre tissu de leur Velamen :

Un livre vieux et déchiré. La couverture pleine de sang et de larmes. Connaissez-vous ce livre ? Sans doute vous le connaissez ce livre, j’en suis sûr. Le plus saint des livres saints. Nous avons déjà beaucoup donné pour ce pauvre livre…

Et ce cri sublime au spectacle des Juifs émigrants et de leurs paquets lamentables sur les quais de New-York :


Chez eux, dans ces sacs, — voyez-vous ? —
Se trouve le trésor du monde, — leur Thora ! —
Comment peut-on dire qu’une telle nation est pauvre ?
Un peuple qui traverse la nuit et les tombeaux ;
Qui sait passer par l’horreur, par le feu et par la mort,
Pour sauver ce qui lui est saint et cher ?
Un peuple qui sait résister à tant de malheurs ;
Qui sait tant souffrir et tant donner son sang ;
Qui ne craint rien et ne craint personne ;
Qui risque sa vie pour quelques pauvres feuilles.
Un peuple qui baigne toujours dans les larmes ;
Que chacun frappe et torture avec joie ;
Qui erre des milliers d’années dans les déserts,
Et n’a pas encore perdu courage ?
Pour prononcer le nom d’un pareil peuple,
Il vous faut essuyer vos lèvres. — À genoux devant lui, nations !