Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/40

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Tout de même, c’est dur. On a beau Vouloir que le Pauvre soit vengé, une Europe sans France est quelque chose de trop infernal. Les soldats eux-mêmes de Napoléon, tout jugés qu’ils sont depuis un siècle, protesteraient.

— Et nous donc, Seigneur ! est-ce que nous n’étions pas les pauvres, les pauvres de ce pauvre qui nous envoyait au massacre, qui nous exterminait de fatigues et de privations, mais qui nous faisait si fiers et que nous chérissions comme un père, comme une mère, comme un petit enfant porté dans les bras à qui tout est permis et pardonné ? Il ne voulait pas d’autres pauvres que nous qui mangions dans sa main et nous étions six cent mille. N’est-ce pas assez, Dieu de miséricorde ? Quand nous mourions dans les tortures, il était notre dernier cri. Le grand Napoléon était pour nous la France, véritablement. Il était nos villages, nos fiancées, nos foyers lointains, nos humbles églises pleines d’images de saints guérisseurs et de vieux vitraux où d’anciens guerriers le représentaient. Il était tout cela pour nous et, malgré la peine, c’était bien vrai que nous don-