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Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/72

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vieillard, par exemple, et combien d’autres iniquités du même genre dont la seule pensée crève le cœur, c’est tout cela qui doit être strictement, rigoureusement, éternellement reproché aux riches.

J’en sais deux, que je pourrais nommer, l’homme et la femme. Ceux-là exigent de leur bonne, souvent renouvelée — l’indignation et l’horreur la mettant bientôt en fuite — qu’elle jette dans la boîte aux ordures tous les restes, quelquefois importants, de leur table, viandes ou poissons à peine entamés. Ordre formel de les déchiqueter, de les souiller d’excréments ou de pétrole, pour que nul n’en puisse profiter, pas même les chiens et les rats. Même injonction et même contrôle pour les vêtements hors d’usage. Ces gens mangent à peine. Leur régal, c’est le désir et la déception des affamés.

J’ai parlé de la prostitution du mot charité, sottement et diaboliquement substitué au nom plus humble de l’aumône. Quand on n’est pas exactement un méchant, on fait l’aumône, qui consiste à donner une part très faible de son superflu, — volupté d’attiser le désir sans le