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les dernières colonnes de l’église

tout entière. Il y a une autre cause venue de l’abîme, et je veux essayer de la dire.

Jehan Rictus est un de ces monstres de mélancolie et de pitié qui ne connaissent pas Dieu et qui crèvent de l’amour de Dieu. Voilà tout. L’espèce n’en est pas très-rare. Peut-être y en a-t-il beaucoup, mais aucun n’est poète comme lui, eût-il mariné, à son instar, dans la plus atroce misère. Quand je dis l’amour de Dieu, il est entendu que je ne parle pas de l’amour d’un Dieu quelconque, Dieu identique des « bonnes gens » ou des maquereaux, mais de l’Amour de Jésus-Christ, tel que l’ont pratiqué les Saints, de l’amour qui fait que les hommes pleurent comme pleurent les petits enfants et qui agenouille dans la crotte les indomptés…

Oh ! je sais que tout cela est surnaturel et qu’il faut croire au surnaturel pour l’avaler ! Au surplus, pourquoi me défendrais-je de voir du surnaturel dans un grand poète évidemment désintéressé de tout ce qui n’est pas les Faibles, les Humiliés, les Souffrants, les Accablés ? Il n’y