Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
un épouvantable huissier

— que, ce soir même, je ferai mourir par le feu les nouveaux occupants de ma demeure, au nombre de quatre-vingts fixé et sollicité par moi-même ; ayant pris, subsidiairement et au préalable, les précautions les plus minutieuses pour qu’aucun d’eux ne puisse échapper à ma vengeance.

« J’ai cru devoir vous notifier mon dessein ignoré de tous les habitants de la ville sans exception, pour qu’il soit bien entendu que mes concitoyens ne sauraient en être faits responsables sans iniquité. Je suis le seul coupable. Faites-moi prendre si vous le pouvez.

« Ovide Parfait, huissier. »

Inespérément, il y avait eu deux jours d’intervalle entre le premier et le second cataclysme. L’effrayant huissier ne les avait pas perdus.

Pendant vingt-quatre heures, murs, cloisons, planchers et charpentes avaient mariné, pour ainsi dire, dans le pétrole et l’essence de térébenthine. Tout ce qui peut être imaginé de plus gras, de plus oléagineux, de plus inflammable, avait été fourré, prodigué dans les moindres coins. Un amas de boules résineuses gisait sous chaque feuille de parquet décloué avec patience et recloué avec frénésie. La cave même avait été préparée pour devenir une fosse de flammes à la plus légère étincelle. Enfin une énorme futaille vide, montée au grenier,