Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/201

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coffrer avec promptitude aussitôt qu’on avait cessé de se battre. Il fallait encore moins parler d’avancement.

Tout cela, d’ailleurs, lui était profondément égal. — Aussi longtemps que j’aurai un trou sous le nez, déclarait-il, je me fous du reste. C’était le type le plus accompli de celui qui ne veut rien savoir.

Le lendemain de Solférino, on s’était avisé de présenter à l’Empereur cette brute extraordinaire qui avait rapporté, la veille, une demi-douzaine de flacons d’eau-de-vie, soigneusement enveloppés dans les plis d’un drapeau emprunté à quelque régiment du Danube.

Napoléon III, informé qu’il ne pouvait être question de décorer un ivrogne de cette importance, avait tenu cependant à lui demander si quelque chose ne lui manquait pas.

— Une seconde gueule, répondit l’homme couvert de sang, pour mieux boire à ta santé, mon Empereur.

Toutefois, c’eût été une erreur grave de le croire dénué de clairvoyance ou d’astuce. Il avait beau flotter perpétuellement entre deux alcools, il avait beau être quasi mort d’ivresse, un sublime débrouillard sortait de lui aussitôt que se présentait un fagot de difficultés d’apparence inextricable.

On savait malheureusement trop peu l’excellent poème de son évasion de Mayence, le lendemain même du jour où il y fut amené avec deux ou