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le bon gendarme

vert linceul, resplendit, une fois de plus, dans la finissante clarté de ce triste soir.

Au bout d’un quart d’heure, Dussutour lavé, peigné, brossé, astiqué avec frénésie, fermait sa porte et, du pas tranquille et sûr d’un gendarme commandé — beau comme un Amadis et fier comme un Galaor — s’acheminait, à travers bois, dans la direction présumée de la bataille dont les derniers coups de canon ne s’entendaient plus.

Que se passait-il dans l’âme de ce pauvre vieux qui n’avait pas le droit de se travestir de la sorte et qui ne savait même pas exactement le nom de l’ennemi contre lequel il avait l’air d’entrer en campagne ?

Il marcha ainsi toute la nuit et la moitié du jour suivant. Il ne trouva pas un seul corps de troupes organisé, un seul valide bataillon de n’importe quoi, et son cœur de sous-officier des belles époques fut déchiré.

Des isolés, des traînards sans nombre, des soldats de toute arme et de toute espèce ; artilleurs sans pièces, cavaliers démontés, fantassins qui n’avaient plus ni sacs ni fusils, et les campagnards affolés par ces vagabonds dévorateurs dont le passage annonçait l’imminente venue de l’Étranger.

Dussutour n’avait rien à dire à ces fuyards dont il remontait le flot, poings serrés et bouche cousue. Il était sûr de rencontrer infailliblement et