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barbey d’aurevilly espion prussien

L’amateur présumé des sales délices que ne paierait certes pas le poids en diamant des nébuleuses, ne pourra jamais s’empêcher d’être le plus ravissant des « bruns » ou des « blonds », jusqu’à la minute éventuelle qui doit marcher au-devant de la Face du Dernier Juge.

L’auteur de l’Ensorcelée, plein de pitié pour cette prostitution misérable qui lui paraissait ressembler vraiment à la pureté des Séraphins, en comparaison de l’assourdissant putanat de la Fortune militaire dont l’Europe s’effarait depuis deux mois, allait passer fort tranquillement son chemin.

Mais la vagabonde obstinée ne le souffrit pas. Suivant le rite connu de ces prêtresses, elle essaya de glisser sa main sous le bras du vieux poète, lui promettant, comme il convenait, d’être « bien aimable, bien gentille, et de ne pas lui prendre cher, etc. ».

Le dégoût et l’importunité furent au point que Barbey d’Aurevilly, incapable pourtant de brutalité, l’écarta d’une main ferme, en lui disant :

— Allons, ma belle, sacrebleu ! fichez-moi la paix. Je ne suis pas le marmiton qu’il vous faut.

Ces paroles qu’il ne put retenir étaient à peine proférées qu’il sentit l’énormité de l’imprudence.

Assurément, il aurait pu tomber sur une bonne gueuse placide accoutumée à solliciter d’un trente-sixième passant le crachat onctueux qui fera couler le crapaud que le numéro trente-cinq lui fit avaler.

La féroce fortune voulut qu’il tombât précisé-