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sueur de sang

d’épouvante sur la tombe d’un supplicié, on aurait eu quelque peine à la supposer vivante encore, cette créature évidemment saccagée par les démons, sans le mouvement régulier des mains occupées à lisser doucement les draps.

C’est terrible à voir, les mains des mourants. C’est en elles, semble-t-il, que se réfugie toute notre âme aux derniers instants, pour que soit expressivement vérifiée l’implacable loi de donner sa vie. La plupart se crispent avec force, comme les mains des naufragés et de ceux qui tombent dans les gouffres. Quelques-unes se tordent convulsivement ou se ferment tout à fait. D’autres font le geste d’écarter, de repousser quelque chose. Enfin, on en a vu qui cherchaient à se joindre au-dessus de l’ombilic, organe respiratoire du corps astral, selon les vieux Mages.

La ressource dernière pour être entendu d’un agonisant, c’est le contact ou l’imposition des mains sur les mains. Le franciscain le savait, et les yeux de la moribonde s’ouvrirent aussitôt qu’il eut accompli cet acte.

Quels yeux ! Deux vitres gelées, derrière lesquelles éclaterait tout à coup un incendie. Car elles ne furent vagues et décolorées qu’une seconde, ces lazulites pâles de la mort qui devinrent immédiatement, à la vue du prêtre, les flamboyantes escarboucles de l’enfer.

— Vous m’avez fait appeler, madame. Me voici prêt à vous entendre, si vous êtes en état de parler.