Page:Blum - En lisant, 1906.djvu/30

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sujet du livre. Ce sobre récit est à peine égayé, éclairci par quelques digressions : souvenirs, anecdotes ou descriptions. Il est conçu et exécuté dans un goût sec et précis, écrit d’un style qui n’a jamais été plus exact, plus lucide, mieux épuré. On y trouvera beaucoup d’agréments, mais nul ornement parasitaire. Tout l’art du livre est dans son exactitude ; toute sa grâce dans les paysages larges et lumineux, où, par instants, l’action se repose, et qui, tout peuplés de réminiscences et d’histoire, s’animent et s’ennoblissent comme un tableau de Poussin.

Voilà donc jusqu’ici notre émotion d’accord avec celle de M. Barres. Où la résistance commence, c’est quand nous nous mettons à réfléchir sur les mobiles de son héros. Parmi les sentiments qui le déterminent, certains surprennent dès l’abord. Il nous expose que son père est notable et riche, que sa maison est puissante dans le canton, qu’il lui répugne de rompre, en désertant, une situation acquise et une famille prospère. Rien de plus légitime, mais de tels sentiments n’ont pas de valeur générale. Il n’y a pas de patriotisme spécial aux propriétaires ou aux familles nombreuses, et M. Barrés va contre sa thèse en nous laissant supposer que, si l’usine d’Ehrmann le père eût été moins florissante, Ehrmann le fils eût peut-être agi d’autre façon. Mais c’est un détail, sans grande importance. Passons.

Le fond de la nature d’Ehrmann, c’est qu’il se