Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/121

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un certain nombre de formules de licenciement. Peut-être l’ont-ils déjà fait. Peut-être même, allant jusqu’au bout de la théorie de la résolution du contrat de travail par la grève, ont-ils envoyé des significations de ce genre à tout leur personnel. S’ils ne l’ont pas fait hier, qu’est-ce qui les empêchera de le faire demain et ne voyez-vous pas que votre projet de loi va les y inciter ?

Qu’arrivera-t-il ? En vertu de votre texte, tous ces licenciements auront force et vigueur jusqu’à la décision ultérieure de l’arbitre, c’est-à-dire que vous allez prescrire la reprise du travail précisément après cette élimination et ce tri que les patrons de Lille et de Maubeuge veulent en ce moment opérer parmi leur personnel et qu’ils entendent soustraire à l’appréciation de l’arbitre.

Messieurs, de bonne foi, vous croyez que la reprise du travail aura lieu dans des conditions pareilles ? Vous croyez qu’après que 200, 300, 500 ouvriers, considérés par leurs camarades comme leurs chefs et leurs représentants naturels, auront été éliminés par voie de licenciement individuel et exceptés de la reprise collective du travail, cette reprise collective pourra s’opérer ? Qui peut le croire et qui, dans son for intérieur, trouvera le courage de blâmer les ouvriers qui manifesteraient leur solidarité à leurs camarades ainsi atteints et ainsi frappés ?

Messieurs, prenez-y garde, au lieu d’apaiser le conflit, vous allez l’aviver et le prolonger par une disposition comme celle-là.

Le Sénat me permettra-t-il, quelques réflexions d’un caractère un peu plus général. Sans nul doute, dans une partie du patronat français, se révèle en ce moment, non pas seulement un esprit de résistance devant nos efforts de conciliation, mais quelque chose que je trouve plus sérieux et plus grave : la conviction qu’au moment du trouble et de la crise de Juin, des concessions excessives leur ont