Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

créer une, et ils ont le devoir de la défendre à mesure qu’ils la créent. Le prolétariat se crée à lui-même une patrie, à mesure qu’il arrache à la société dans laquelle il vit, plus de justice, plus de liberté, plus de bien-être. Et il participe alors au devoir commun. De même qu’il revendique, au nom de la classe ouvrière, la direction de la vie publique et de la vie économique, de même il revendique la direction de la patrie ; de même, il doit revendiquer aussi l’initiative et la direction pour l’organisation de la défense de la patrie. »

Ce sont ces idées que vous retrouvez partout chez Jaurès et qui sont étroitement liées, en dépit des apparences, à cette condamnation absolue et irrévocable de la guerre. Guerre jamais, sauf quand la guerre est imposée. Guerre jamais, sauf quand il s’agit de défendre le sol national. Guerre jamais, sauf quand il s’agit de défendre ce qui équivaut au sol national, c’est-à-dire l’existence et l’intégrité d’autres sols, dont l’existence et l’intégrité sont liées étroitement au nôtre.

Camarades, je sais que ces pensées vous sont familières. Je veux pourtant rappeler devant vous, rassemblant en quelques instants tant et tant d’années de souvenirs, comment, dans l’esprit de Jaurès, s’était peu à peu organisé ce système de pensées qui vous est devenu familier.

Proclamer la défense du sol, cela oblige à distinguer entre la défense et l’agression, et Jaurès savait, mieux que personne, que ce n’était pas une tâche facile.

Après avoir terminé ses études sur la Révolution française, il s’était plongé dans la recherche des origines de la guerre franco-allemande de 1870, et il avait été, comme tous ceux d’ailleurs qui étudient de près cette période, frappé du fait que l’agresseur apparent, ou même l’agresseur officiel, peut n’être pas toujours l’agresseur dans la réalité de l’histoire, que la pensée de l’agression peut avoir