Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/166

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qu’elle ne l’a été chez nous et je crois que l’on peut en voir les raisons.

Vous tous qui vivez en France, et beaucoup d’entre vous depuis de nombreuses années, vous savez que la France est un pays assez particulier et, à certains égards, assez étrange ; qu’une vieille tradition révolutionnaire y coexiste avec un sens profondément conservateur et surtout avec un besoin impérieux de stabilité et de continuité. En réalité, ce ne sont pas les mêmes catégories sociales, les mêmes classes qui sont révolutionnaires et conservatrices. Ce ne sont même pas, en général, les mêmes hommes, bien qu’il soit assez courant, dans la vie française, que le même homme ait des idées révolutionnaires pendant une partie de sa vie et des idées conservatrices pendant la seconde.

Ce qui manque, en effet, à la bourgeoisie française et à une partie du patronat français, c’est de savoir mélanger intimement, dans une alliance constante et pratique, le sens révolutionnaire et le sens de la tradition.

La bourgeoisie anglo-saxonne, les classes dirigeantes anglo-saxonnes, les hommes d’affaires anglo-saxons, du fait même qu’ils possèdent peut-être un esprit d’entreprise plus énergique et parfois plus aventureux, ont, beaucoup plus que les nôtres, le sens de ce mélange nécessaire entre l’esprit conservateur et l’esprit innovateur qui est, à proprement parler, l’esprit révolutionnaire. On est moins effrayé chez vous que chez nous quand on voit des changements, et même de grands changements, s’introduire, parce que chaque individu est d’avance plus habitué et plus disposé à admettre de grands changements, même dans sa vie personnelle.

C’est pour cela, je crois, que vous nous avez mieux compris, et que, dans l’ensemble, l’œuvre que nous essayons d’accomplir a été accueillie avec une véritable sympathie en Grande-Bretagne et