Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/274

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camarades qui survivaient à l’attaque de la veille, qui avait été très chaude.

« Au cours de la conversation, Salengro me parla du sergent Demailly qui avait été tué la veille. Nous nous étions promis mutuellement, me dit-il, en cas de malheur, de tenter l’impossible pour rapporter à la famille du mort ses papiers personnels.

« Je le félicitai immédiatement de sa pensée, mais je lui fis observer, comme j’en avais le devoir, toute l’imprudence de son projet. Je lui dis notamment : « Vous voyez cette crête. Immédiatement après, vous serez exposé au feu et aux coups de l’ennemi. Surtout, ne dépassez pas la crête. »

« En avant de la tranchée, le champ de bataille était couvert de cadavres.

« À ce moment-là, je n’avais sur Salengro pas même l’ombre d’un soupçon, d’autant mieux que, par sa fonction de cycliste du commandant, il pouvait détenir des secrets militaires. À défaut d’autres arguments, la confiance du commandant de Salengro aurait éloigné tous mes soupçons sur cet homme.

« Je savais que Salengro était socialiste convaincu et militant. On m’avait dit qu’au jour de la mobilisation il avait été arrêté comme suspect au point de vue national. Mais je dois à la vérité de dire que depuis son incorporation, en tout cas depuis son arrivée à la compagnie, le patriotisme de Salengro n’avait jamais été suspect. Il avait tenu des propos qui n’étaient pas suspects au point de vue national. Au contraire.

« Lorsque le feu de l’ennemi eut cessé, Salengro abandonna son équipement et s’avança dans la direction de l’ennemi en rampant. Il s’approcha de quelques cadavres et je l’ai vu très nettement dégrafer la capote du soldat tué, fouiller dans sa poche et retirer un objet qu’il remit ensuite dans sa poche. J’ignore si ce cadavre était celui du ser-