Page:Blum - Pour être socialiste, 1919.djvu/21

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manque à la ville voisine. Le propriétaire d’une usine peut la laisser chômer, s’il lui plaît, quand des outils de première nécessité manquent à l’industrie ou à la culture. Peu importe l’intérêt commun, la chose est à lui. Le jeu de la concentration, de la capitalisation, de l’héritage pourra rassembler dans les mains d’une centaine d’hommes, à la rigueur dans les mains d’un seul — Wells a fait ce rêve — toute la propriété utile du monde. Peu importe l’esclavage universel, la propriété reste sacrée… Peut-être, mais c’est l’instinct de conservation qui doit alors, à lui seul, légitimer la révolte. Songeons que la propriété individuelle a déjà subi quelques atteintes, que le progrès matériel et moral des sociétés a déjà arraché au propriétaire quelques-uns de ses attributs séculaires. Un Romain était propriétaire de ses enfants comme de ses animaux de somme ; il pouvait les vendre ou les tuer. Un planteur des Antilles était propriétaire de ses esclaves comme de ses champs de canne à sucre. Mais la conscience humaine a élevé son cri et ces formes de la propriété sont tombées. D’autres tomberont à leur tour, qui sont nées de la même conception déviée et exorbitante du droit. Ce que nous disons aujourd’hui, c’est qu’un homme ne peut demeurer maître absolu, maître unique, maître éternel par sa descendance, de ce que la collectivité des hommes a jadis recueilli ou créé, de ce qui conditionne aujourd’hui la vie collective des hommes. Et nous avons proclamé le socialisme, quand nous avons dit cela.



Vous entendez d’ici les répliques intéressées ou sceptiques. Quoi, nous disent les railleurs, pour justifier le socialisme, ce sont les lois économiques, les nécessités de la production que vous invoquez ! Touchant paradoxe ! Mais vous savez bien que les hommes n’ont pas naturellement le goût du travail.