pensée me poursuivit jusqu’au champ. Je regardais vers l’arbre : personne n’y était. Eh bien, il n’y est pas ; c’est autant de gagné, me pensai-je en moi-même, et je pris la faux pour couper le trèfle. Au même instant la pensée me vint de tenter ma bonne aventure en cherchant le trèfle à quatre feuilles, et je me disais : « Si tu le trouves, c’est que tu seras heureuse avec Antoine. »
Je regarde, je regarde toujours, sans lever les veux de dessus les trèfles, mais je ne trouvais rien. C’est alors que je pensai à jeter un regard de côté, et que vois-je sous l’arbre ? — le soldat. Je me retournais vite pour me sauver ; mais au même moment j’avais tourné le pied sur des épines couchées au bord du chemin, et je m’étais blessée. Je ne criai point ; mais de douleur, toute la tête me tourna ; mes yeux se voilèrent et je tombai à terre.
Je voyais, comme en rêve, que quelqu’un me prenait dans ses bras et m’emportait, jusqu’à ce que la douleur aiguë me réveillât. Le soldat s’était agenouillé près du ruisseau, y trempait son mouchoir blanc, puis il m’en enveloppa le pied. Dieu puissant ! me pensais-je, que vas-tu faire ? tu ne peux te dérober au regard de ses yeux. Alors je me dis qu’il vaudrait mieux ne pas le voir. Je ressentais une douleur assez forte ; la tête me tournait ; mais je ne parlais point, et je n’ouvris pas non plus les yeux. Il posa sa main sur mon front et me prit par la main ; j’en eus un frisson ; mais je me tus. Alors il laissa ma main et m’arrosa le visage avec de l’eau et en me soulevant la tête. Que devais-je faire ? J’étais bien forcée d’ouvrir les yeux. Ah ! bonne marraine, ses