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comme un enfant. Un instant après il essuyait ses larmes, me prenait la main, et ajoutait à une voix basse : « Quand vous irez dans le district forestier de Marschovitz, descendez dans le val sauvage, au-dessus du gouffre s’élève un pin solitaire ; portez-lui mon salut ; saluez aussi de ma part les oiseaux sauvages qui volent autour du pin ; et saluez encore les hautes montagnes. À l’ombre des rameaux du pin solitaire j’ai passé des années entières ; je lui disais ce que je n’ai dit à personne ; et là, je n’étais pas le pauvre misérable que je suis. — Il dit, et sans prononcer une parole de plus, et sans plus me regarder, il se tint coi sur son banc. Je partis rempli de compassion pour lui ; les hommes maudissaient, exécraient la laide figure : « il avait bien, celui-là, mérité la mort. »

La scélératesse, ajoutaient-ils, se peignait dans son regard ; il ne veut voir ni prêtre, ni personne ; tire la langue au monde, et s’en va à la mort comme à une fête. Quant à cet autre meurtrier qui avait le visage bien fait, ils le plaignaient ; ils achetaient la complainte qu’il avait composée dans sa prison et tout le monde désirait que grâce lui fût faite, parce qu’il avait tué son camarade par jalousie ; au lieu que le laid avait tué sa fiancée par pure méchanceté, elle qui, disait-on ne lui avait jamais fait de mal ; et puis, il avait commis encore d’autres meurtres. C’est ainsi que chacun juge d’après son propre sentiment ; autant de têtes, autant de jugements. L’un voit la chose d’une manière ; l’autre, d’une autre, et c’est pourquoi il est difficile de décider si les choses sont vraiment ainsi, sans pou-