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Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/349

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Celle-ci ouvrit la lettre et lut lentement : « Ma chère Christine ! Je te salue et t’embrasse cent fois. C’est bien inutile d’écrire cela ! J’aimerais mieux t’embrasser une fois en réalité que mille fois sur le papier ; mais une distance de trois milles nous sépare. Je sais que tu te demandes bien des fois dans une journée : Qu’est-ce que fait Jacques ? Comment se porte-t-il ? J’ai assez d’ouvrage ; mais quel que soit le travail, je m’y mets de corps et mes pensées sont ailleurs. Je suis malheureux. Si mon cœur n’était qu’à moi, si j’étais libre comme Vítek Tonda, peut-être que j’aimerais l’état militaire ; mes camarades commencent à s’y accoutumer déjà ; et dans peu de temps ils ne trouveront plus rien de pénible. J’apprends aussi tout comme les autres ; je ne murmure pas contre mon sort… ; mais rien ne me réjouit ; et au lieu de m’y accoutumer, je me sens de jour en jour plus malheureux. Depuis le point du jour jusqu’au crépuscule du soir, c’est à ma chère colombe, c’est à toi que je pense ; et je me contenterais pourtant de te savoir en bonne santé, de recevoir de toi un petit mot de salutation. Quand je suis de garde à l’extérieur, et que je vois des oiseaux prendre leur vol de ton côté, je me prends du regret de ne pouvoir les charger de mes compliments pour toi ; et mieux encore j’aimerais être petit oiseau moi-même, ou ce petit rossignol pour voler auprès de toi… Est-ce que Grand’mère des Proschek, ne t’a pas encore rien dit ? Que signifiait son dernier mot, que peut-être notre séparation ne serait pas de longue durée ? Ne sais-tu rien de plus ? Pour moi, quand je me sens plus malheureux, je me rappelle ses dernières paroles ; et comme si