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Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/361

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corvée qu’ils devaient au château, et à leur propre ouvrage. Le soleil était brûlant ; on eut dit que la terre allait éclater en s’entr’ouvrant sous l’ardeur de ses rayons, dont il semblait que les hommes allaient être suffoqués. Les fleurs fanées courbaient la tête ; le vol des oiseaux rasait le sol ; les animaux recherchaient l’ombre. Depuis le matin montaient à l’horizon de petits nuages, d’abord gris, puis blanchâtres répandus çà et là ; mais à mesure que la journée avançait, ils s’étendirent, montèrent encore, s’agglomérèrent, s’élevèrent plus haut, puis se réunirent en formant de longues traînes dont les couleurs devenaient de plus en plus foncées. Vers midi tout l’horizon du côté de l’occident s’était voilé d’un lourd nuage noir, qui se rapprochait alors du ciel. Ce fut avec stupeur que les moissonneurs regardèrent au ciel ; et quoique déjà hors d’haleine, pour ainsi dire, ils se forçaient encore au travail, encore que celui qu’ils appelaient l’écrivain ne les eût pas sans cesse gourmandés et poussés à la tâche. Mais telle était déjà la coutume, de crier et crier toujours pour que les travailleurs n’oubliassent pas, qu’il était là pour leur donner des ordres ; et qu’ils eussent, eux, à lui porter du respect.

Grand’mère était assise sous le petit vestibule, et regardait avec anxiété les nuages, qui se trouvaient déjà au-dessus du bâtiment. Les garçons jouaient avec Adèle derrière la maison, mais ils avaient si chaud, qu’ils eussent bien préféré se dépouiller de leurs habits pour sauter dans la rigole, si grand’mère le leur avait permis. Adèle qui aimait tant à causer et qui sautait comme la linotte, bâillait cette