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Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/43

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rait déjà faire de toi le maire de Cramolna[1]). Il offrait toujours aux garçons une prise de tabac, et quand ils éternuaient beaucoup, il les plaisantait. Si c’était Adèle qui apercevait le père meûnier, elle se réfugiait derrière les jupes de sa grand’maman ; elle ne savait pas encore bien parler, et maître meûnier l’agacait sans cesse pour lui faire répéter après lui, très-vite, et trois fois coup sur coup, des mots qu’elle ne pouvait encore prononcer. Je crois que la pauvrette en avait jusqu’aux larmes, tant monsieur le meûnier la fâchait. Pour l’apaiser, il lui apportait souvent un panier de fraises ou de noisettes, ou quelque autre friandise. Et quand il voulait s’insinuer dans son amitié, il l’appelait, « Petite linotte. »

C’était vers la tombée de la nuit que passait, aussi tous les jours, près de la Vieille-Blanchisserie, un homme surnommé le grand Moïse. Il était garde seigneurial, grand comme une perche et d’un regard sombre ; sur son épaule, il portait un sac. La servante Betka avait dit aux enfants qu’il mettait dans son sac les enfants désobéissants, et dès ce moment, les enfants restèrent comme pétrifiés, à la vue de ce grand Moïse. Grand’mère défendit à la servante de dire choses pareilles aux enfants ; mais quand l’autre servante, Ursule, lui eût communiqué que Moïse avait les doigts crochus, grand’mètre laissa dire Betka. Ce Moïse ne devait point être honnête, et les enfants en eurent toujours grand’peur, quoiqu’ils

  1. Cramolna est une petite localité formée de trop peu d’habitations pour avoir un maire.