Aller au contenu

Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 80 —

« Je suis prêt, eh bien ! soyez attentives ! » Il dit, et il tire de sa pipe le premier nuage de fumée qui s’élève au plafond. Il se croise les jambes, s’adosse commodément sur sa chaise, et voici en quels termes il raconte l’histoire de Victoire la folle :


vi.


« Victoire était la fille d’un paysan de Žernov. Ses parents sont morts depuis longtemps ; mais son frère et sa sœur vivent encore. Il y a quinze ans, Victoire était une fille fraîche comme une framboise, et qui n’avait pas sa pareille bien loin à la ronde. Elle était leste comme une biche, laborieuse comme une abeille ; un jeune mari n’aurait pu désirer de femme meilleure. Une fille de cette sorte, et dont on sait encore qu’elle aura un jour de la fortune, ne reste pas longtemps sous le boisseau ; c’est facile à comprendre. On parlait donc de Victoire dans toute la contrée, et les prétendants affluaient. Plusieurs plaisaient à ses parents ; quelques uns étaient de riches fermiers, et, par conséquent, pour Victoire d’excellents partis. Mais elle sut les éconduire tous. Elle ne voyait d’un bon œuil que celui qui dansait le mieux ; encore sa préférence ne durait-elle que le temps du bal.

Ce fut alors que son père fronça le sourcil de voir que nul ne se trouvait à son goût et qu’il la pressa de faire son choix ; sinon, il le ferait lui-même à sa place, et la forcerait à l’accepter. Mais la fille s’en prit à ses yeux, pleurant beaucoup et conjurant son père de ne pas la chasser de la