entier ; mais on dirait qu’il vous a servi à tenir des ordures : il est tout barbouillé de je ne sais quoi de sec que je ne puis arracher avec les ongles ; je ne le prendrai point qu’il ne soit nettoyé. — À cela ne tienne, dit alors Perronnelle, voilà mon mari qui le nettoiera dans l’instant. — Volontiers, » dit le maçon. Aussitôt, ayant mis bas son pourpoint et pris une ratissoire, il entre dans le vaisseau, où il se fait donner une chandelle allumée. Il était en train de racler lorsque sa femme, comme si elle eût voulu voir la façon dont il s’y prenait, mit la tête à la gueule du vaisseau, qui était beaucoup plus étroite que le ventre, et ayant passé un de ses bras jusqu’à l’épaule, lui disait : « Raclez ici, raclez là ; voilà un endroit que vous laissez. » Pendant que la belle était dans cette posture, et qu’elle indiquait à son mari les endroits qui avaient besoin d’être nettoyés, le galant, qui n’avait pu achever à son aise la besogne qu’il avait commencée lorsque le mari était survenu, résolut de s’y remettre et de la finir comme il pourrait. Il s’approche de Perronnelle qui bouchait l’ouverture du tonneau, et, plein d’ardeur, il la saisit de la manière que les chevaux sauvages, animés par le feu de l’amour, assaillent les juments parthes, et fourbit ainsi son vaisseau, pendant que le mari fourbissait l’autre. Les deux travailleurs achevèrent leur besogne presque en même temps. Perronnelle retira sa tête et son bras du tonneau pour laisser sortir son mari ; et donnant la chandelle à Jeannet : « Voyez, lui dit-elle, s’il est assez nettoyé. » Jeannet l’examina, le trouva tel qu’il désirait, le paya, et le fit porter chez lui.
NOUVELLE III
LES ORAISONS POUR LA SANTÉ
Dans la ville de Sienne, un jeune homme, nommé Renaut, issu d’une famille très-honnête, bien élevé, de jolie figure et fort bien fait, devint passionnément amoureux d’une jeune et jolie femme nouvellement mariée. Il s’imagina que, s’il trouvait moyen de lui parler, il en obtiendrait bientôt tout ce qu’il voudrait. Dans ce dessein, il chercha un expédient qui le mît à portée de la voir et de l’entretenir sans se rendre suspect au mari. Agnès était grosse depuis six ou sept mois : il mit dans sa tête de devenir son compère. Il accosta un jour le mari, qu’il connaissait, et lui témoigna son désir de la manière la plus polie et la plus adroite. Le mari, loin de soupçonner les vues de Renaut, accepta la proposition, et en parut même flatté. Le jeune homme, devenu compère