Aller au contenu

Page:Boccace - Contes de Boccace, trad De Castres, 1869.djvu/567

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mitridanes, offensé et irrité du discours de la vieille, et craignant que la renommée de Nathan ne portât préjudice à la sienne, s’écria : « Malheureux ! quand pourrai-je atteindre à la libéralité de Nathan ? Il ne faut plus que je cherche à le surpasser dans les grandes choses, comme je le prétendais, puisque je ne puis en approcher dans les plus petites. Tant que cet homme vivra, mes peines seront inutiles ; et puisque le poids des années n’a pu encore l’ôter de ce monde, il faut que je le fasse moi-même. » Dans ce mouvement de dépit et de fureur, sans communiquer son dessein à personne, il monte à cheval, suivi de peu de monde, et arrive, après trois jours de marche, à la demeure de Nathan. Il commanda à ses gens de feindre de n’être pas de sa suite, de le méconnaître, et de chercher à se loger aussi dans le palais, et d’y demeurer jusqu’à ce qu’ils eussent d’autres ordres de lui. Mitridanes, qui était arrivé sur le soir, trouve Nathan lui-même qui se promenait seul aux environs du palais, habillé fort simplement. Ne le connaissant point, il lui demanda s’il ne pourrait pas lui enseigner la demeure de Nathan. « Mon fils, personne ne peut mieux vous l’apprendre que moi, lui répondit gaiement celui-ci : je vous mènerai chez lui avec plaisir. — Vous m’obligerez, repartit Mitridanes ; mais je veux, s’il se peut, n’être pas connu de Nathan. — Je puis encore vous satisfaire à cet égard, » répliqua le vieillard. Mitridanes descend donc de cheval et suit son conducteur, qui le mène jusqu’au palais. Nathan fait prendre aussitôt le cheval de son hôte par un domestique, auquel il dit à l’oreille d’aller promptement ordonner à ses compagnons que