et la musique sont faites. » Et le roi lui en demandant le motif et l’objet : « Je n’oserais le dire à d’autres qu’à Votre Majesté, » ajouta-t-il. Le roi, curieux de l’entendre, le fit venir dans son appartement. Minuce lui conta alors tout ce qu’il avait appris. Le roi, flatté de cette nouvelle, donna des éloges à Lise, ajoutant qu’une fille aussi honnête, aussi aimable, était bien faite pour inspirer de la compassion, et qu’il pouvait, de sa part, aller la consoler, et lui annoncer que ce jour même il la verrait sur le soir.
Minuce, au comble de la joie, court, sans s’arrêter nulle part, raconter à la jeune fille le succès de son entreprise. Il lui détaille tout ce qu’il a fait, lui répète l’heureuse chanson qui lui avait été d’un si grand secours. Lise fut si joyeuse et si contente que dès cet instant-là même sa maladie diminua visiblement. Elle attendit, non sans un peu d’impatience, l’heure fortunée où elle devait voir son maître et son amant. Le roi, qui était bon et généreux, s’étant rappelé les discours de Minuce et la beauté de Lise, n’en eut que plus d’empressement de la voir et de la consoler. À l’heure dite, il monte à cheval, comme pour aller à la promenade, se rend devant la maison de l’apothicaire ; et ayant fait dire qu’on lui ouvrît son jardin, il y descendit, s’y promena quelque temps, puis il demanda à l’apothicaire où était sa fille, s’il ne l’avait pas encore mariée. « Sire, répondit l’apothicaire, elle ne l’est pas encore ; depuis fort longtemps une maladie de langueur la consume, et ce n’est que depuis ce matin que ses douleurs semblent un peu affaiblies. » Le roi comprit fort bien ce que signifiait cette meilleure santé. « Ce serait dommage, dit-il, que le monde fût privé d’une si belle personne : je veux aller la voir. » Il monte dans sa chambre, accompagné de deux personnes seulement, s’approche du lit, où la jeune fille, un peu soulevée sur son oreiller, l’attendait avec impatience. « Que veut dire ceci, dit-il lui prenant la main, ma belle enfant ? vous qui êtes faite pour inspirer le plaisir, vous vous laissez déchirer par la douleur. Pour l’amour de moi, rétablissez-vous, reprenez votre première santé. » La jeune fille, qui sentait presser ses mains des mains d’un amant adoré, quoiqu’elle éprouvât un peu d’embarras, ressentait dans le fond de son cœur la joie la plus vive. « Hélas ! sire, répondit-elle, la maladie dont vous me voyez accablée ne vient que d’avoir voulu me charger d’un fardeau peu proportionné à la faiblesse de mes forces ; mais vos bontés vont bientôt m’en délivrer. » Le roi comprenait très-bien le sens de ces expressions couvertes, et ne l’en admirant que davantage, maudissait tout bas la fortune qui l’avait fait naître dans une condition si obscure. Après avoir demeuré quelque temps avec la malade, et lui avoir donné toutes les consolations qu’il savait capables de faire impression sur elle, il sortit.
L’humanité du roi fut fort louée, et fit grand honneur à l’apothicaire et à sa fille. Celle-ci, plus satisfaite de cette glorieuse visite qu’amante l’ait jamais été