remarqué comme malsonnantes aux oreilles chastes, sont-elles plus malhonnêtes que tant d’autres, comme trou, cheville, mortier, pilon, andouille, dont on se permet tous les jours l’usage sans aucun scrupule ? D’ailleurs doit-on accorder moins de licence à la plume du poëte qu’au pinceau du peintre ? Qui blâmera les nudités, les caprices de l’imagination dans celui-ci ? Qu’il peigne saint Michel, une lance à la main, combattant le diable, ou saint Georges aux prises avec un dragon ; qu’il représente Adam et Ève dans l’état où ils étaient en sortant des mains du Créateur, personne n’y trouve a redire. Au reste, ce n’est ni dans une église, où tout doit partir du cœur et être énoncé avec les paroles les plus rigoureuses, que ces Nouvelles ont été contées ; ce n’est pas non plus dans les écoles de la jeunesse, où il ne doit pas régner moins de sévérité, qu’elles ont été débitées, mais dans les jardins, dans un lieu de plaisir, parmi les jeunes gens, et dans un temps où chacun pouvait courir partout, les culottes sur la tête, pour sauver sa vie. Ce qu’il y a de vrai, c’est que cet ouvrage peut être utile ou nuisible selon la diverse trempe des esprits qui le liront. Qui ne sait que le vin, qui est une chose agréable et salutaire à tous les hommes, comme le disent du moins les buveurs, ne soit très-pernicieux à ceux qui ont la fièvre ? dirons-nous pour cela qu’il est nuisible ? Le feu porte partout le ravage de l’incendie ; nierons-nous pour cela son utilité ? Parce que les armes sont meurtrières, conclurons-nous qu’il ne faut pas s’en servir ? Ce n’est point par elles-mêmes qu’elles sont dangereuses, c’est par la méchanceté de ceux qui les portent. Ainsi les paroles, indifférentes par elles-mêmes, ne peuvent être viciées que par ceux qui les entendent, et celles qui paraissent les plus libres ne le sont pas lorsqu’elles entrent dans un entendement bien disposé, comme la fange qui couvre la terre ne peut obscurcir le soleil ou altérer la beauté des cieux. Il n’y a point de livres plus purs et plus sains que ceux de l’Écriture sainte ; cependant n’y a-t-il pas eu des gens qui, pour les avoir mal interprétés, ont causé leur perte et celle de beaucoup d’autres ? Chaque chose renferme en soi un germe d’utilité, mais ce germe peut être infecté et converti en poison. Il en est ainsi de mes Nouvelles. Quiconque en voudra faire une mauvaise application en pourra tirer des conseils dangereux et des exemples pernicieux ; quiconque voudra faire le contraire le pourra aussi aisément. Mais elles ne produiront que de bons fruits si elles sont lues en lieu, en temps convenables, et par les personnes pour qui elles ont été écrites. Quiconque leur préférera son bréviaire aura grande raison, il peut rester tranquille, et être persuadé qu’on ne courra pas après lui pour les lui faire lire.
Mais quelques dévotes, qui, malgré l’austérité qu’elles affectent, ne laissent pas quelquefois de se dérider, me diront peut-être qu’il y a des Nouvelles que j’aurais dû supprimer. J’en conviens ; mais je ne pouvais écrire que ce qu’on racontait, et celles qui racontaient racontaient bien ; si j’y avais changé quelque