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Page:Boccace - Décaméron.djvu/457

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le long du jour les murs comme font les limaces. — »

« Bruno et Buffamalcco, entendant cet imbécile, se mirent à rire en eux-mêmes, et se regardant l’un l’autre, firent semblant d’être fort émerveillés et approuvèrent le conseil de Calandrino. Cependant Buffamalcco demanda quel était le nom de cette pierre. Ce nom était déjà sorti de la mémoire de Calandrino qui était de grosse pâte ; pour quoi, il répondit : « — Qu’avons-nous à faire du nom, puisque nous en connaissons la vertu ? M’est avis que nous allions la chercher sans plus attendre. — » « Or, bien — dit Bruno — Comment est-elle faite ? — » Calandrino dit : — Elles sont de différentes formes, mais toutes quasi noires ; pour quoi, il me semble que nous devions ramasser toutes celles que nous verrons noires, jusqu’à ce que nous ayions mis la main sur la bonne ; et pour ce, ne perdons point de temps, allons. — » À quoi Bruno dit : « — Attends. — » Et s’étant tourné vers Buffamalcco, il dit : « — Il me paraît que Calandrino a bien parlé ; mais je ne crois pas que ce soit l’heure propice, pour ce que le soleil est haut et tombe d’aplomb sur le Mugnon ; il a calciné toutes les pierres, de sorte que maintenant toutes celles qui y sont doivent paraître blanches, comme le matin, avant que le soleil les ait séchées, elles paraissent toutes noires ; en outre, c’est aujourd’hui jour de travail et il y a par le Mugnon beaucoup de gens pour divers motifs. Ces gens, en nous voyant, pourraient deviner ce qui nous y fait aller, faire comme nous et peut-être trouver la pierre, et nous aurions perdu le trot pour l’amble. Il me semble, si cela vous va ainsi, que cette besogne doit se faire le matin, alors qu’on peut reconnaître plus facilement les noires d’avec les blanches, et un jour de fête alors qu’il n’y aura personne qui puisse nous voir. — »

« Buffamalcco approuva l’avis de Bruno auquel se rallia Calandrino, et ils convinrent que le dimanche matin suivant, ils iraient tous trois à la recherche de cette pierre ; mais sur toute chose Calandrino les pria de ne parler de cela à personne au monde, pour ce que la chose lui avait été confiée en secret. Cette recommandation faite, il leur dit ce qu’il avait entendu dire du pays de Bengodi, affirmant par serment que la chose était vraie. Calandrino les ayant quittés, les deux compères arrêtèrent ensemble ce qu’ils devaient faire en cette circonstance.

« Calandrino attendit avec une vive impatience le dimanche matin. Ce jour étant venu, il se leva dès l’aurore, et ayant appelé ses compagnons, ils sortirent tous les trois par la porte San Gallo, descendirent dans le Mugnon, et se mirent à la recherche de la pierre. Calandrino allait en avant comme le plus ardent, sautant vivement deçà, delà ; partout