bon et honnête, et décidèrent de faire ainsi qu’il avait proposé. En conséquence, le roi, ayant fait appeler le sénéchal, s’entendit avec lui sur ce qu’il aurait à faire le lendemain matin. Puis, ayant licencié la compagnie jusqu’à l’heure du souper, il se leva de son siège. Les dames et les autres s’étant aussi levés, se livrèrent, comme d’habitude, qui à un divertissement, qui à un autre, et, l’heure du souper venue, ils s’y rendirent avec un plaisir extrême. Après le souper, ils se mirent à chanter, à sonner du luth et à danser. La Lauretta menant la danse, le roi ordonna à la Fiammetta de dire une chanson. Celle-ci, très complaisamment, commença à chanter ainsi :
Si l’Amour venait sans jalousie,
Je ne sais pas s’il y aurait au monde
Femme plus heureuse que moi.
Si gentille jeunesse,
En un bel amant doit contenter une femme,
Ou bien prix de vertu
Ardeur ou vaillance.
Esprit, belles manières ou beau langage,
Ou beauté accomplie,
Je suis celle-là, car, pour mon salut,
Étant amoureuse,
Je vois toutes ces qualités en celui qui est mon espoir.
Mais pour ce que je m’aperçois
Que les autres dames sont aussi avisées que moi,
Je tremble de peur,
Et, craignant chose pire,
Je vois qu’existe chez les autres ce même désir
Qui me ronge l’âme ;
De sorte que ce qui m’est une suprême aventure
Me rend inconsolable,
Me fait soupirer fort et vivre d’une misérable vie.
Si j’avais autant confiance
En mon seigneur, que je sens son mérite,
Je ne serais pas jalouse ;
Mais on en voit tant
Qui manquent à la foi jurée,
Que je les tiens tous pour coupables.
Cela m’afflige et volontiers j’en mourrais.
À chaque femme qu’il regarde,
J’ai soupçon, et je crains qu’il ne m’échappe.