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Page:Bodin - Le Roman de l’avenir.djvu/392

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Vers 1828, je crus avoir une demi-idée neuve en entreprenant d’appliquer les procédés du Walter-Scottisme à l’antiquité : je voulus montrer des Grecs et des Romains, non plus chaussés du cothurne, mais parlant et agissant comme on peut supposer qu’ils parlaient et agissaient quand ils étaient en vie. Avant de m’endormir complètement sur cette demi-idée, j’eus heureusement celle de publier des fragmens de drame romain dans les revues et magasins littéraires, vers la fin de 1830. Il était temps, car on fit bientôt après (précisément sur le même sujet) quelque chose de semblable. Si, par hasard, ce n’était pas moi qui eusse fait naître l’idée, au moins je conserve la douce satisfaction de pouvoir exhiber la preuve que je l’ai eue tout seul de mon côté (sauf Ben Johnson).

À la même époque, vers 1829, je fus témoin d’expériences sur le magnétisme ; j’en fis moi-même pour dissiper mes doutes, qui étaient très-voisins de l’incrédulité. Je fus convaincu. Je crus avoir un quart d’idée : c’était d’introduire le magnétisme dans les arts et la littérature, comme un élément poétique et dramatique ; mais j’appris que l’Allemagne m’avait devancé, et je lus bientôt une nouvelle fort intéressante de M. Zschokke, où l’état d’extase somnambulique joue un grand rôle. Toutefois, je me hâtai de divulguer mon quart d’idée par la voie de la presse ; mais le temps de l’appliquer n’était pas venu, tant les préventions contre le magnétisme étaient générales en France. Je me contentai plus tard de risquer, comme essai, une petite scène magnétique et romanesque, qui fut publiée dans plusieurs recueils. Aujourd’hui que l’incrédulité des gens du monde a cédé tout à fait à l’éclat et à la fréquence des preuves, je vois avec grand plaisir que la littérature s’empare de cette merveilleuse source d’émotions et d’intérêt.

Mais le roman de l’avenir, cette idée, demie ou quart, si l’on veut, qui me trottait par la tête depuis une dizaine d’années, me tourmentait bien autrement ! Je publiai un fragment de la préface sans avoir fait une ligne du livre, de peur d’être devancé ; j’avais bien soin de ne mettre que ce qu’il fallait pour prendre date,