Page:Bodin - Le Roman de l’avenir.djvu/401

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Ce ne sont là que des utopies sans action, comme l’an 2440 et le voyage de Kang-hi, par M. de Lévis, dont une analyse que je lus vers 1810 dans le Journal de l’Empire fit sur moi, alors écolier, une impression que je me rappelle encore.

Quant aux apocalypses et aux fins du monde, on en a essayé plusieurs en France et en Angleterre. Il existe, je crois, plus d’un poème intitulé The last man ; le plus connu est celui du célèbre Thomas Campbell. Je me souviens d’avoir entendu mentionner pour la première fois, il y a environ dix ans, un poème français dont le sujet est aussi le dernier homme, par Granville ; poème connu d’un petit nombre de curieux et que je n’ai jamais vu : Habent sua fata ! C’était Charles Nodier qui m’en parlait avec une prédilection, un enthousiasme dont je lui savais un gré infini. Il y a une jouissance pour les honnêtes gens littéraires à protester contre les arrêts de la célébrité ou plutôt les caprices de la vogue. Quoiqu’on dise que les bons ouvrages ne tombent point dans l’oubli, il y a tant de sots livres dont la réputation se perpétue, qu’on peut nier le premier point avec l’argument à contrario ! Puisque j’ai nommé Charles Nodier, je dirai ici que si le Roman de l’avenir eût dû être fait par tout autre que moi, c’eût été certainement à lui de le faire. Cette idée allait à la richesse de son imagination et à la souplesse de sa plume. Je regrette pour la littérature qu’il n’en ait pas été ainsi. Je n’ose dire que je le regrette aussi pour moi, parce qu’on ne me croirait pas.

Quant à l’Allemagne, j’ignore absolument ce qu’on y a essayé dans ce genre. J’ai lu un morceau fort remarquable de Ph. Chasles sur Jean-Paul Richter, génie original et digne d’un tel traducteur que Chasles ; je ne crois pas y avoir vu qu’il ait fait de l’avenir l’objet de quelqu’une de ses conceptions.

Si je publie une seconde partie, je pourrai bien y ajouter, dans les notes, le sommaire de l’ouvrage de Mercier. Ceux qui ne l’ont pas lu seront peut-être bien aises de trouver réunies en quelques pages toutes les idées, souvent aussi heureuses que bizarres, de cet homme d’esprit, mais écrivain diffus et déclamateur.