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Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/21

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QUELLE EST LA FIN
PRINCIPALE DE LA RÉPUBLIQUE
BIEN ORDONNÉE.


CHAP. I.



R épublique est un droit gouvernement 
de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine. Nous mettons 
cette définition en premier lieu, par ce qu’il faut 
chercher en toutes choses la fin principale : et 
puis après les moyens d’y parvenir. Or la défi
nition n’est autre chose que la fin du sujet qui
 se présente : et si elle n’est bien fondée, tout
 ce qui sera bâti sur icelle ruinera bien tout après.
 Et jaçoit que celui qui a trouvé la fin de ce qui
 est mis en avant, ne trouve pas toujours les moyens d’y parvenir, non 
plus que le mauvais archer qui voit le blanc et n’y vise pas : néanmoins
 avec l’adresse et la peine qu’il emploiera il y pourra frapper, ou approcher : et ne sera pas moins estimé, s’il ne touche au but, pourvu qu’il
 fasse tout ce qu’il doit pour y atteindre. Mais qui ne sait la fin et définition du sujet qui lui est proposé, celui-là est hors d’espérance de 
trouver jamais les moyens d’y parvenir, non plus que celui qui don
ne en l’air sans voir la butte. Déduisons donc par le menu les parties de 
la définition que nous avons posée. Nous avons dit en premier lieu 
droit gouvernement, pour la différence qu’il y a entre les Républiques, et les troupes de voleurs et pirates avec lesquels on ne doit
 avoir part, ni commerce, ni alliance : comme il a toujours été gardé 
en toute République bien ordonnée, quand il a été question de donner la foi, traiter la paix, dénoncer la guerre, accorder ligues offensives, ou défensives, borner les frontières, et décider les différends 
entre les princes et seigneurs souverains, on n’y a jamais compris les 
voleurs, ni leur suite : si peut-être cela ne s’est fait par nécessité forcée, qui n’est point sujette à la discrétion des lois humaines, lesquelles 
ont toujours séparé les brigands et corsaires, d’avec ceux que nous disons