Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/776

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beaucoup d’autres, qui pour leurs vertus illustres sont montez aux plus hauts degrez d’honneur. mais tous les estats portent impatiemment de voir les plus indignes aux plus hauts lieux : non pas qu’il ne soit necessaire de donner quelquesfois aux incapables & indignes quelques offices, pourveu qu’ils soyent en si petit nombre, que leur ignorance ou mechanceté n’ayt pas grand effect en l’estat où ils seront. Car il ne faut pas seulement bailler la bource aux plus loyaux, les armes aux plus vaillans, la justice aux plus droits, la censure aux plus entiers, le travail aux plus forts, le gouvernail aux plus sages, la prelature aux plus devots, comme la justice Geometrique veut : ains il faut aussi pour faire une harmonie des uns avec les autres, y entremeller ceux qui ont de quoy suployer en une sorte, ce qui leur defaut en l’autre. autrement il n’y auroit non plus d’harmonie, que si on separoit les accords, qui sont bons en soy, mais il ne seront point de consonance, s’ils ne sont liez ensemble : car le defaut de l’un, est suployé par l’autre. En quoy faisant le sage Prince accordera ses sugets les uns aux autres, & tous ensemble avec soy : tout ainsi comme on peut voir és quatre premiers nombres, qu’il semble que Dieu a disposez par proportion harmonique : pour nous monstrer que l’estat Royal est harmonique, & qu’il se doibt gouverner harmoniquement : car 2. à 3. fait la quinte, 3. à 4. la quarte, deux à quatre l’octave : & derechef un à deux fait l’octave 1. à 3. la douziesme, tenant la quinte & l’octave, & 1. à 4. la double octave, qui contient l’entier systeme de tous les tons, & accords de musique : & qui voudra passer à 5. il fera un discord insupportable. autant peut on dire du point, de la ligne de la superficie, & du corps. donques on suppose que le Prince eslevé par dessus tous les sugets, la majesté duquel ne souffre non plus division que l’unité, qui n’est point nombre, ny au rang des nombres, iaçoit que tous les autres n’ont force, ny puissance que de l’unité : & les trois estats disposez comme ils sont, & quasi tousjours ont esté en tous Royaumes, 
Royaume ^ ^ bkn ordônees,c eft a fçauoir l’eftat Ecclefiaftique le premier
bie ordone ürja dignitéquilfouftient,& prerogatiue du mtàiftereenuers Dieu:
qui eft compofé de nobles,ôc roturiers:puisl eftat militaire,qui eft auf¬
fi compofé des nobles „ ôc roturiers. Ôc le menu peuple de gens fcho-
laftiques,marchans,artifans, ôc laboureurs: ÔC que chacun de ces trois
eftats ayt part aux offices, benefices,iudicatures, Ôc chai ges honnora¬
bles, ayant efgard aux mérités, ôc aux qualitez des peifonnes. il le for¬
mera vne plaifanteharmonie de tous les fugets entre eux,Sc detous en-
fembleauecle Prince fouuerain.Ce que nous pouuons encores figurer
en l’homme, qui eft la vraye image de la Republique bien ordonnée:
carPintelled tient lieu d’vnité eftant indiuifible, pur, ôc fimple:puis la¬
me raifonnableque tous les anciens ont feparé de puiffance dauec Hn-
telleéfcla troifiefme eft l’appetit de vindifte, qui gift au cueur : commeles gendarmes,la quatriefme eft la cupidité beftiale,qui gift au foye, ôc
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