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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. I.

Quoi ! des tyrans te font trembler ! Courage !
Bannis la crainte et l’espoir de ton cœur,
Impunément tu riras de leur rage ;
Leur impuissance égale leur fureur.
Mais l’orgueilleux que l’ambition tente,
L’efféminé que la mort épouvante,
Voilà celui qui vend sa liberté !
De ses deux mains il a forgé sa chaîne ;
Sans bouclier, sous le joug il se traîne,
Fier de sa honte et de sa lâcheté.

VIII

« Comprends-tu ces vérités, dit-elle, et pénètrent-elles jusqu’à ton cœur ? Ou es-tu comme l’âne devant la lyre14 ? Pourquoi ces gémissements ? pourquoi ces pleurs qui baignent ton visage ? Parle et mets à nu toute ton âme.15 Tu ne peux attendre de soulagement du médecin qu’en lui découvrant ta blessure. »

Je rassemblai tout mon courage et je répondis : « Qu’est-il besoin de t’instruire des rigueurs dont la Fortune m’accable ? Ne sont-elles pas assez visibles ? L’aspect seul de ces lieux n’est-il pas assez éloquent ? Est-ce là cette bibliothèque, ce sanctuaire de ma maison, que toi-même avais choisi comme un sûr asile, et où si souvent nous avons discouru ensemble de la science des choses divines et humaines ? Étais-je aussi défait de corps et de visage, lorsque je sondais avec toi les secrets de la nature, lorsque, le compas à la main, tu m’initiais aux révolutions des astres, lorsque tu donnais pour règle à mes pensées et à ma conduite la haute raison qui gouverne le ciel ?