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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. I.

« Est-ce là le prix de ma déférence à tes instructions ? C’est toi pourtant qui as proclamé cette maxime par la bouche de Platon : qu’heureuses seraient les républiques si elles étaient gouvernées par les sages, ou si ceux qui les gouvernent s’appliquaient à l’étude de la sagesse16. Tu as ajouté, toujours par la bouche de ce grand homme, que la raison qui devait déterminer les sages à prendre en main les affaires17, c’est que, si la conduite des cités était abandonnée aux méchants et aux pervers, il en résulterait un grand dommage et un grand péril pour les gens de bien. C’est sur cette autorité que je m’appuyais lorsque j’ai tenté d’appliquer à l’administration publique les principes que tu m’avais enseignés dans les loisirs de ma retraite. Tu sais, et Dieu, qui te met dans le cœur des sages, m’est témoin avec toi que nul autre mobile ne m’a poussé aux charges publiques, que ma sollicitude pour tous les gens de bien.

« Voilà la cause de mon divorce irréconciliable et de mes luttes avec les méchants ; voilà pourquoi, dans l’indépendance de ma conscience, j’ai toujours, pour soutenir le bon droit, méprisé la haine des puissants. Que de fois n’ai-je pas reçu et paré le choc de Conigaste18 se ruant sur le patrimoine des faibles ! Que de fois n’ai-je pas arrêté Triguilla19, l’intendant du domaine royal, dans quelque déprédation, ou entreprise, ou déjà consommée ? Que de fois, lorsque des malheureux gémissaient sous les avanies sans nombre que leur infligeait impunément l’avidité des Barbares, ne les ai-je pas, à mes risques et périls, protégés de mon autorité ? Jamais personne n’a pu me faire déserter le bon droit au profit de la fraude. Quand les habitants des provinces voyaient leur fortune en proie aussi bien aux rapines des particuliers qu’aux exactions du fisc, je souffrais de leurs maux autant qu’eux-mêmes.