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Page:Boethius - Consolation 1865.djvu/115

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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. I.

« Quant aux bruits qui courent maintenant dans le public, quant aux opinions multiples et contradictoires dont je fournis le sujet, je dédaigne de m’en occuper. Je dirai seulement que le plus lourd fardeau dont la Fortune puisse accabler les malheureux, c’est la pensée qu’il suffit qu’on leur impute quelque crime, pour que leur châtiment paraisse juste. Mais moi pourtant, chassé de tous mes biens, dépouillé de mes dignités, flétri dans mon honneur, ce sont les services que j’ai rendus qui m’ont valu un arrêt de mort. Aussi je crois voir déjà les immondes officines des scélérats déborder de joie et d’allégresse ; les monstres les plus pervers se préparer dans l’ombre à de nouvelles dénonciations ; les gens de bien consternés, terrassés par la peur d’une disgrâce semblable à la mienne ; le rebut de l’espèce humaine excité à la pensée du crime par l’impunité, à l’exécution par la récompense, tandis que les innocents, privés de toute garantie, n’ont pas même le droit de se défendre. Aussi m’écrié-je sans scrupule :

IX

Créateur du monde aux clartés splendides
Du haut de ton trône éternel ta voix
Fait rouler les cieux, tourbillons rapides ;
Les astres domptés subissent tes lois.

Opposant son disque aux feux de son frère,
La Lune en son plein brille et resplendit ;
L’humble étoile alors voile sa lumière,
Plus près de Phébus, le croissant pâlit.