Page:Boethius - Consolation 1865.djvu/139

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présente aujourd’hui, absente demain peut-être, et qui, en fuyant, ne te laissera que le désespoir ? Si personne ne peut la retenir à son gré, si le malheur arrive quand elle s’en va, qu’est-ce donc que cette divinité volage, sinon l’avant-coureur de quelque calamité prochaine ? Il ne suffit pas, en effet, de ne regarder que la situation qu’on a sous les yeux ; la sagesse veut qu’on envisage la fin de toute chose. Or, à voir la Fortune courir si facilement d’un extrême à l’autre, ses menaces ne sont pas plus à craindre que ses faveurs à souhaiter.

« Enfin, il faut te résoudre à supporter avec résignation tout ce qui peut t’arriver dans les domaines de la Fortune, une fois que tu as courbé la tête sous son joug. Prétendre retenir ou congédier à ton gré le tyran que tu t’es volontairement donné, ne serait-ce pas excéder ton droit et empirer par ton impatience une condition que tu ne peux changer ? Si tu confiais ta voile aux vents, tu suivrais l’impulsion non de ta volonté, mais de leur souffle. Si tu confiais des graines à la terre, tu aurais à balancer les bonnes années par les mauvaises. Tu as accepté la domination de la Fortune, elle est ta maîtresse, soumets-toi donc à ses caprices. Quoi ! tu prétends arrêter la rapide évolution de sa roue ? Ô le plus insensé des hommes! Que la Fortune s’arrête un moment, elle ne mérite plus son nom (1).