LA CONSOLAT[ON PHILOSOPHIQUE, LIV. III. H7 véritables et parfaits, par la raison qu’ils diffèrent les uns des autres ? qulen outre, comme ils se font mutuellement défiant, ils ne peuvent procurer une félicité entière et absolue ? N’ai-je pas prouvé encore que le vrai bien n’existe qu’à une condition, clest-à-dire si toutes ses variétés se confondent sous une seule forme et dans un même effet, de sorte quiil ne soit pas possible de séparer la suffisance de la puissance, de la considération, de la gloire et du plaisir, parce qu’en effet, si tous ces avantages ne se réunissent pas en un seul, ils ne valent pas la peine qu’on les désire ? — Tu as prouvé tout. cela, dis-je, et à cet égard, il n’y a pas de doute possible.-Donc, des avantages distincts ne sont pas des biens ; confondus, ils le deviennent ; cela étant, ne faut-il pas, pour qu’ils deviennent des biens, qu’ils passent à l’état d’unité ? — Il me semble ainsi, dis-je. — Mais, à ton avis, tout ce qui est bien demeure-t-il tel, ou non, lorsqu’un autre bien vient slyjoindre ? — Il demeure tel, sans doute.- Il faut donc, par la même raison, m’accorder que llunité et le souverain bien ne sont qulune seule et même chose. Et en effet, il n’y a quiune substance là où les effets sont naturellement les mêmes. — Je ne puis nier I cela, dis-je. — Eh bien, reprit-elle, as-tu remarqué que tous les êtres persistent et conservent l’existence aussi longtemps quiils gardent leur unité, mais qu’ils périssent et se dissolvent aussitôt que leur unité cesse ?— Comment cela ? — Chez les êtres doués de vie, par exemple, lorsque le principe vivifiant et le corps ne font qulun et restent unis, cela s’appelle un animal ; mais lorsque l’unité est détruite par la séparation de l’un et de ll’autre, il est clair que l°être périt lui-même et nlest plus un animal. Chez l’homme même, tant que ses membres 1·estent unis et ne composent qu’un seul corps, la forme humaine se reconnaît ; mais dès que les diverses parties de son corps se disjoignent, se séparent, et rompent 12
