Page:Boethius - Consolation 1865.djvu/403

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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. V. 319 le présent. L’être, au contraire, qui embrasse et possède dans toute sa plénitude une vie qu’aucun terme ne borne, à qui l’avenir est présent, et qui retient tout son passé, doit seul à juste titre être considéré comme éternel ; car un tel être n’a pas seulement et nécessairement la possession pleine et présente de lui-même ; il possède aussi dans le présent la somme des diverses phases du temps ’°. C’est donc mal à propos que quelques philosophes, pour avoir entendu dire que dans la pensée de Platon le monde nia jamais eu de commencement et ne doit pas avoir de Fin", concluent delà que le monde créé est coéternel à son créateur. Antre chose est, en effet, de parcourir successivement toutes les phases d’une existence sans limite, ce que Platon attribue au monde, ou d’embrasser dans le présent tout l’ensemble d’une existence infinie, ce qui manifestement est le propre de la divinité. Par conséquent la préexistence de Dieu relativement à la création ne tient pas à telle ou telle quantité de temps écoulé, maisîi un état qui n’appartient qu’à une nature simple. En effet, cet état d’immobilité parfaite qui est la conséquence d’un présent éternel, le temps, dans son cours sans fin, en donne quelque idée ; mais comme il ne peut réaliser intégralement cette immobilité, bientôt elle dégénère pour lui en mouvement, et le présent absolu perd en quantité tout ce dont s’accroissent indéfiniment le passé et l’avenir. Et encore, bien que le temps ne puisse embrasseràla fois toute la plénitude de sa durée, par la raison que, sous une forme ou sous liautre, il ne cesse jamais de durer, il semble imiter jusqu°à un certain point ce qu’il ne peut égaler ni représenter exactement, en se retenant ; à cette ombre de présent pour lui si court, si insaisissable ; et comme ce présent fugitif reproduit dans une certaine mesure l’image du présent éternel, il parait donner un semblant de permanence à chacun des instants par lesquels il passe. Mais le temps