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SATIRE IX.

Il est vrai, s’il m’eût cru, qu’il n’eût point fait de vers.
Il se tue à rimer : que n’écrit-il en prose ?
Voilà ce que l’on dit. Et que dis-je autre chose ?
En blâmant ses écrits, ai-je d’un style affreux
Distillé sur sa vie un venin dangereux ?
Ma muse en l’attaquant, charitable et discrète,
Sait de l’homme d’honneur distinguer le poëte.
Qu’on vante en lui la foi, l’honneur, la probité ;
Qu’on prise sa candeur et sa civilité ;
Qu’il soit doux, complaisant, officieux, sincère :
On le veut, j’y souscris, et suis près de me taire.
Mais que pour un modèle ou montre ses écrits ;
Qu’il soit le mieux renté de tous les beaux esprits[1],
Comme roi des auteurs qu’on l’élève à l’empire :
Ma bile alors s’échauffe, et je brûle d’écrire ;
Et, s’il ne m’est permis de le dire au papier,
J’irai creuser la terre, et, comme ce barbier,
Faire dire aux roseaux par un nouvel organe :
« Midas, le roi Midas a des oreilles d’âne. »
Quel tort lui fais-je enfin ? Ai-je par un écrit
Pétrifié sa veine et glacé son esprit ?
Quand un livre au Palais se vend et se débite,
Que chacun par ses yeux juge de son mérite,
Que Bilaine[2] l’étale au deuxième pilier,
Le dégoût d’un censeur peut-il le décrier ?
En vain contre le Cid un ministre se ligue :
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.

    le fit conseiller d’État et lui donna une pension de deux mille livres. En 1635, il fut l’un des premiers membres de l’Académie française. Balzac n’a pas seulement loué Chapelain, il l’a adulé, car on ne saurait croire à quel point Chapelain passait alors pour un Mécène et un Aristarque.

  1. Chapelain avoit de divers endroits huit mille livres de pension. (B.)
  2. Libraire du palais. (B.)