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SATIRE X.

Mais a-t-on, dira-t-il, sujet de s’étonner ?
Est-ce qu’à faire peur on veut vous condamner ?
Aux usages reçus il faut qu’on s’accommode :
Une femme surtout doit tribut à la mode.
L’orgueil brille, dit-on, sur vos pompeux habits ;
L’œil à peine soutient l’éclat de vos rubis ;
Dieu veut-il qu’on étale un luxe si profane ?
Oui, lorsqu’à l’étaler notre rang nous condamne.
Mais ce grand jeu chez vous comment l’autoriser ?
Le jeu fut de tout temps permis pour s’amuser ;
On ne peut pas toujours travailler, prier, lire :
Il vaut mieux s’occuper à jouer qu’à médire.
Le plus grand jeu, joué dans cette intention,
Peut même devenir une bonne action :
Tout est sanctifié par une âme pieuse.
Vous êtes, poursuit-on, avide, ambitieuse ;
Sans cesse vous brûlez de voir tous vos parens
Engloutir à la cour charges, dignités, rangs.
Votre bon naturel en cela pour eux brille ;
Dieu ne nous défend point d’aimer notre famille.
D’ailleurs tous vos parens sont sages, vertueux :
Il est bon d’empêcher ces emplois fastueux
D’être donnés peut-être à des âmes mondaines,
Éprises du néant des vanités humaines.
Laissez là, croyez-moi, gronder les indévots,
Et sur votre salut demeurez en repos.
Sur tous ces points douteux c’est ainsi qu’il prononce,
Alors, croyant d’un ange entendre la réponse,
Sa dévote s’incline, et, calmant son esprit,
A cet ordre d’en haut sans réplique souscrit.
Ainsi, pleine d’erreurs qu’elle croit légitimes,
Sa tranquille vertu conserve tous ses crimes ;
Dans un cœur tous les jours nourri du sacrement
Maintient la vanité, l’orgueil, l’entêtement,