Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/18

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veau sarcasme qui courait contre eux. Enfin, la pièce, relue par Racine, corrigée, limée, arrangée par l’auteur, paraissait chez Barbin, dans la galerie du Palais. Tout Paris se l’arrachait ; toutes les correspondances l’envoyaient à tous les bouts de l’Europe lettrée ; et en très-peu de temps on la savait par cœur. Le style de Boileau manquait peut-être un peu d’élévation ; il avait plus de dignité que de grâce ; mais il excellait à enfermer dans un vers bien frappé une sentence juste, et ses mots heureux, quelquefois profonds à force de bon sens, passaient aussitôt en proverbes. Il chercha et il obtint le rôle de maître et de juge suprême en matière d’écrits ; il eut à lui seul plus d’autorité que n’en avaient eu quelques années auparavant les bureaux d’esprit, cercles ou ruelles, dont Molière avait fait si bonne justice. Il ne faut pas oublier ces circonstances en lisant Boileau et en le jugeant. Ses écrits ne sont pas son seul titre devant la postérité. Il a contribué par ses conseils, par ses leçons, et surtout par ses critiques, à former ce qu’on appelle en littérature le siècle de Louis XIV. Pour tenir le haut du pavé dans la critique, il faut en tout temps être un esprit bien doué, d’un jugement fin et rapide, d’une pénétration extrême, d’une vaste et solide érudition, et par-dessus tout d’un goût délicat et sûr ; mais ce rôle est bien autrement important quand il ne s’agit pas seulement de juger, et qu’il faut arracher son siècle à la manière, au faux brillant, à l’affectation du goût espagnol, pour le ramener, ou tout au moins pour