De ses héros sur lui forme tous les tableaux ;
Que de son nom, chanté par la bouche des belles,
Benserade[1] en tous lieux amuse les ruelles ;
Que Segrais[2] dans l’églogue en charme les forêts ;
Que pour lui l’épigramme aiguise tous ses traits.
Mais quel heureux auteur, dans une autre Enéide,
Aux bords du Rhin tremblant conduira cet Alcide ?
Quelle savante lyre au bruit de ses exploits
Fera marcher encor les rochers et les bois ;
Chantera le Batave, éperdu dans l’orage,
Soi-même se noyant pour sortir du naufrage ;
Dira les bataillons sous Mastricht[3] enterrés,
Dans ces affreux assauts du soleil éclairés ?
Mais tandis que je parle, une gloire nouvelle
Vers ce vainqueur rapide aux Alpes vous appelle.
Déjà Dôle et Salins[4] sous le joug ont ployé ;
Besançon[5] fume encor sur son roc foudroyé.
Où sont ces grands guerriers dont les fatales ligues
Devoient à ce torrent opposer tant de digues ?
Est-ce encore en fuyant qu’ils pensent l’arrêter,
Fiers du honteux honneur[6] d’avoir su l’éviter ?
Que de remparts détruits ! Que de villes forcées !
Que de moissons de gloire en courant amassées !
Auteurs, pour les chanter redoublez vos transports :
Le sujet ne veut pas de vulgaires efforts.
- ↑ Benserade, auteur de sonnets, des Métamorphoses d’Ovide en rondeaux, et de poésies diverses.
- ↑ Jean Regnault de Segrais, né à Caen en 1625, mort en 1701, auteur d’églogues et d’une traduction de l' Enéide.
- ↑ Ville assiégée par Louis XIV, et prise le 29 juin 1673.
- ↑ Places de la Franche-Comté prises en plein hiver. (B.) Note inexacte ; car Dole se rendit le 6 juin 1674, et Salins le 22.
- ↑ Soumis le 15 mai de la même année.
- ↑ Montécuculli s'applaudissait d'avoir évité de livrer bataille, en 1673.