Aller au contenu

Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ToNe demande donc plus par quelle humeur sauvage
Tout l’été loin de toi, demeurant au village,
J’y passe obstinément les ardeurs du Lion[1],
Et montre pour Paris si peu de passion.
C’est à toi, Lamoignon, que le rang, la naissance,
Le mérite éclatant et la haute éloquence
Appellent dans Paris aux sublimes emplois,
Qu’il sied bien d’y veiller pour le maintien des lois.
Tu dois là tous tes soins au bien de ta patrie :
Tu ne t’en peux bannir que l’orphelin ne crie,
Que l’oppresseur ne montre un front audacieux.
Et Thémis pour voir clair a besoin de tes yeux.
Mais pour moi, de Paris citoyen inhabile,
Qui ne lui puis fournir qu’un rêveur inutile,
Il me faut du repos, des prés et des forêts.
Laisse-moi donc ici, sous leurs ombrages frais,
Attendre que septembre ait ramené l’automne,
Et que Cérès contente ait fait place à Pomone.
Quand Bacchus comblera de ses nouveaux bienfaits
Le vendangeur ravi de ployer sous le faix,
Aussitôt ton ami, redoutant moins la ville,
T’ira joindre à Paris, pour s’enfuir à Bâville[2].
Là, dans le seul loisir que Thémis t’a laissé,
Tu me verras souvent à te suivre empressé,
Pour monter à cheval rappelant mon audace,
Apprenti cavalier galoper sur ta trace.
Tantôt sur l’herbe assis, au pied de ces coteaux
Où Polycrène[3] épand ses libérales eaux,

  1. Le Lion, un des signes du zodiaque.
  2. Maison de campagne de M. de Lamoignon.
  3. Fontaine, à une demi-lieue de Bâville, ainsi nommée par feu le premier président Guillaume de Lamoignon, pour rendre plus facile aux poëtes qu’il recevait à Bâville la comparaison avec l’Hippocrène, la fontaine des Muses.